Le 30 septembre 1914, la guerre qui devait durer quelques semaines, entre dans son troisième mois.
En août, l’armée allemande a envahi la Belgique, se heurtant à une résistance imprévue de l’armée belge. Pendant que l’armée française évite que l’armée allemande n’entre sur le territoire français au niveau des Vosges et de Nancy, sans toutefois réussir à reprendre pied de façon durable sur les régions perdues en 1871, les troupes allemandes ont avancé à travers le Nord et la Picardie, jusqu’à arriver à quelques dizaines de kilomètres de Paris. Entre le 6 et le 13 septembre, les armées française et anglaise réussissent enfin à stopper la progression de l’armée allemande, qui recule, mais en partant vers les côtes de la Manche. Le front commence à se stabiliser sur une ligne qui va des Vosges à Arras.
Ils sont déjà 103 soldats du canton de Vouillé à avoir perdu la vie depuis le début du conflit. Et pourtant j’imagine que toutes les familles concernées n’ont pas encore été informées du décès.
En octobre 1914, 33 soldats ayant un lien avec le canton de Vouillé vont mourir dans les combats.
Vous pouvez télécharger ici le fichier sous format Excel correspondant à ces 33 soldats – mise à jour le 9 juillet 2015.
Le tableau ci dessous représente le nombre de soldats par année de naissance / classe.
Comme en septembre 1914, les deux tiers des soldats tombés en octobre appartiennent à l’armée de réserve. Ils ont été mobilisés début août et sont dans les opérations de première ligne, au même titre que les soldats appartenant à l’armée d’active, sous les drapeaux lors du déclenchement des opérations militaires. Comme mathématiquement ils représentent la plus grosse partie du contingent, il est logique qu’ils soient les plus représentés statistiquement parmi les victimes. Ils ont entre 20 et 34 ans.
Le plus jeune est Louis Marie Chataigneau, né le 30 janvier 1894 à La Chapelle Montreuil, engagé pour 3 ans le 31 octobre 1912, sergent major au 125ème régiment d’infanterie, mort à Ypres le 26 octobre 1914.
Le plus âgé est Saint Ange Léon Moreau, né le 18 avril 1880 à Vouillé, cultivateur au lieu dit Cueille à Comté, à Vouillé, marié et père d’au moins un enfant, soldat au 125ème régiment d’infanterie, mort à l’hôpital de Châlons en Champagne des suites de ses blessures le 5 octobre 1914.
Au niveau de l’origine géographique des 33 soldats morts en octobre 1914, tous sauf un sont nés dans une des communes du canton. Seule la commune d’Ayron est épargnée pendant ce mois d’octobre, puisqu’aucune des victimes d’octobre n’y est née ou n’y a résidé. C’est Latillé qui paie le tribut le plus élevé, avec 6 soldats nés dans sa commune morts pendant ce mois d’octobre. Rappelons qu’en 1911, Latillé compte 1300 habitants environ.
Un seul soldat est né en dehors du canton, Louis Viault, né le 29 juillet 1883 à Vasles, dans les Deux Sèvres, commune contigüe aux communes de Latillé, Ayron et Benassay. Il résidait, de même que ses parents, à Lavausseau et son nom est repris sur le monument aux morts de Lavausseau.
Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver entre les livres d’or et les monuments aux morts. En règle générale, le soldat tombé au combat est inscrit sur le livre d’or de la commune où son acte de décès a été enregistré à l’état civil, c’est à dire dans son dernier domicile officiel. Mais ce n’est qu’une règle générale que j’ai constatée depuis que je travaille sur cette base. Et comme toute règle, elle a des exceptions.
Quant aux monuments aux morts, la situation est encore plus complexe, et certains soldats sont inscrits là où ils habitaient, là où ils sont nés, là où leurs parents résident, ou nulle part ….
Sur le tableau ci dessous, j’ai essayé d’analyser la répartition des différents noms sur les monuments aux morts et les livres d’or. Le tableau compte 37 entrées, parce que quatre soldats sont inscrits sur plusieurs monuments aux morts, ou sur plusieurs livres d’or, ce qui est plus rare.
Roger Alfred Grandon, né à Latillé, domicilié à Chiré en Montreuil, figure à la fois sur le livre d’or de Latillé et sur celui de Chiré en Montreuil. En revanche, il ne figure que sur le monument aux morts de Chiré en Montreuil.
Marcel Georges Frouin, né à Lavausseau, domicilié en 1914 à Celle-Levescault, mais dont les parents habitent Jazeneuil, figure sur les monuments aux morts de Celle-Levescault et Jazeneuil. En revanche, il ne figure que sur le livre d’or de Celle-Levescault.
Eugène Ernest Depoix, né à Benassay, dont les parents habitaient à Guesnes (86) lors de son recensement militaire, résidait à Damazan (47) avant le début de la guerre. Il figure sur le livre d’or de Damazan, et à la fois sur le monument aux morts de Damazan et celui de Guesnes.
Eugène Gustave Barc est né à Benassay le 24 novembre 1880. Il habitait avec ses parents à Savigny-sous-Faye (86) lors du recensement militaire. Son nom figure à la fois sur le monument aux morts de Savigny, et sur celui d’Orches, la commune limitrophe de Savigny.
Pour deux des soldats, je n’ai pas retrouvé sur quel livre d’or ils étaient éventuellement inscrits : Gabriel Bijonneau devrait figurer sur le livre d’or du Blanc (36) mais la page concernée ne s’affiche pas, probablement en raison d’un bug. Le décès de Maximin Maréchal semble avoir été inscrit à Paris 17ème, mais son nom ne figure pas sur le livre d’or. Et retrouver quelqu’un à Paris n’est pas chose aisée …
Deux familles ont perdu deux de leurs fils pendant ce mois d’octobre 1914.
Les deux frères Thomas, Théophile Théodore Auguste Thomas et Gustave Albéric Celestin Thomas, habitent à Chalandray. J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de leur parcours, et de leur décès, les 24 et 25 octobre 1914, en Belgique.
Les frères Barc sont les fils de Louis Honoré Barc et de Louise Alma Vouhé. Ils sont nés à Benassay, mais habitaient à Savigny-sous-Faye lors de leur recensement militaire. L’ainé, Eugène Gustave Barc, né le 24 novembre 1880, était soldat au 32ème régiment d’infanterie. Rappelé sous les drapeaux le 11 août 1914, il a été tué à l’ennemi le 26 octobre 1914 à Zonnebeke, en Belgique. Son jeune frère, Emile Honoré Barc, est né le 13 juillet 1891. Parti pour le service militaire le 9 octobre 1912 pour le 113ème régiment d’infanterie, il est blessé, fait prisonnier, et va succomber à ses blessures à Zweibrucken, en Allemagne. Son décès a été fixé par jugement du tribunal au 6 octobre 1914.
Très majoritairement les morts sont soldats de 2nde classe, pour 28 d’entre eux. Les cinq autres sont sous officiers : deux adjudants, un caporal, un brigadier – qui est militaire de carrière – , un sergent major.
Au niveau des causes de décès, trois soldats sont morts de maladie imputable au service. Pour 13 d’entre eux, il est indiqué sur la fiche Mémoire des Hommes qu’ils sont morts des suites de leurs blessures, mais le lieu et la date des blessures n’est indiquée que sur deux des fiches. Toutes les autres fiches indiquent que le soldat a été tué à l’ennemi, une expression qui peut recouvrir plusieurs situations différentes.
Le tableau qui suit reprend l’unité d’appartenance de chaque poilu, sa date et son lieu de décès, tels qu’indiqués sur sa fiche de Mort pour la France. L’organisation indiquée au niveau de l’appartenance à une armée précise a comme source l’ouvrage Les Armées Françaises dans la Grande Guerre – Tome X – sur Gallica. Les chiffres correspondent au nombre de décès pour l’ensemble unité/date/lieu. Quand le fond est gris clair, cela signifie que la mort a eu lieu en dehors du champ de bataille, dans un hôpital de l’arrière, soit de maladie, soit de suites de blessures. 9 soldats sont concernés. Quand le fond est noir, le décès a eu lieu sur les lignes de front, quelque soit la mention indiquée comme cause de la mort.
La majorité des soldats du canton de Vouillé, département de la Vienne, a combattu dans le 9ème corps d’armée, la Vienne faisant partie de la 9ème région militaire française. Il est donc logique que ce soit dans les rangs de ce 9ème Corps d’Armée qu’on retrouve le maximum de victimes.
Dès la fin de la bataille de la Marne, les armées ennemies s’affrontent sur un parcours qui les mène vers la mer du Nord. Il s’agit pour chacune d’elle de réussir à contourner son adversaire et l’enfermer.
Dans l’ouvrage Les Armées Françaises dans la Grande Guerre, écrit par l’Etat Major des Armées au début des années 1930 à partir de la totalité des archives de la guerre, voici comment est qualifiée la période qui va du 14 septembre 1914 au 13 novembre 1914, et qui marque la dernière étape de la guerre de mouvement, avant que la totalité du front se stabilise pour plusieurs années.
Début octobre, le 9ème corps d’armée, sous les ordres du général Dubois, occupe le secteur de Mourmelon, au Nord de Chalons en Champagne, où se trouve encore le quartier général de Foch.
C’est sur cette ligne de tranchées, entre Saint Hilaire le Grand et Reims, que va rester le 9ème corps d’armée pendant toute la première partie d’octobre.
Il s’agit principalement de tenir les positions occupées, avec quelques escarmouches. Il n’y a pas d’attaque de grande envergure, on commence à s’installer dans une guerre de position. Les combats sont partis vers l’Ouest.
Le 1er octobre 1914, Louis Alexandre Furet, soldat au 125ème régiment d’infanterie, est tué à l’ennemi à Mourmelon le Petit.
Le 3 octobre 1914, Désiré Alexis Brin, soldat au 32ème régiment d’infanterie, meurt des suites de ses blessures à Mourmelon le Petit.
Le 20° CA va rester sur cette ligne de défense jusqu’au 20 octobre.
En Argonne, la 9ème division d’infanterie, après stabilisation du front, occupe un secteur entre le Four de Paris et la vallée de l’Aire, en pleine forêt d’Argonne, un secteur montagneux et difficile d’accès.
Au sein du 21ème corps d’armée, le 3ème bataillon de chasseurs à pied, sous le commandement du généra Maistre depuis le 12 septembre, quitte le front de la Marne le 1er octobre et part en train le 3 octobre à destination de Saint-Pol-de Ternoise, dans le Pas de Calais.
Au sein de la Xème Armée, il va participer à ce qu’on appelle la première bataille d’Artois, marquée par des combats autour de Carency, Notre Dame de Lorette et Ablain Saint Nazaire.
La 43ème division d’infanterie, dont fait partie le 3ème bataillon de chasseurs à pied, reste dans le secteur jusqu’à la fin du mois d’octobre. Elle est ensuite transféré dans la région d’Ypres à partir du 1er novembre 1914.
A quelques kilomètres au sud, le front autour d’Arras est tenu par la 37ème division d’infanterie, dite 37ème division algérienne, parce que les unités qui la composent viennent de la 19ème région, de l’Algérie. Le 3ème régiment de zouaves s’y bat depuis le 15 septembre.
C’est une nouvelle fois l’ouvrage écrit par l’Etat Major à partir des archives de la guerre que je vais citer pour dresser le tableau de cette bataille, connue aussi sous le nom de bataille d’Ypres.
De la mi-octobre à la mi-novembre 1914, les Flandres sont le théâtre d’une des batailles les plus dramatiques de la grande guerre. Cette bataille, livrée aux approches de l’hiver, par un temps de brouillards et de pluies à peu près continuels, dans des plaines détrempées et boueuses, est un des événements essentiels de la campagne 1914-1918. Couronnement et épilogue de la course à la mer, elle marque la fin des opérations en terrain libre, l’évanouissement des dernières illusions qui pouvaient subsister touchant une guerre courte.
Les adversaires, n’ayant plus le champ indispensable pour la manoeuvre, s’abordent de front avec acharnement, et la lutte se résume en une double action, sur l’Yser et autour d’Ypres. Mais le mélange des unités qui combattent sur ce théâtre restreint d’opérations est extrême, car les deux adversaires engagent leurs ultimes disponibilités :
– du côté allemand : corps de siège d’Anvers, unités d’ersatz et de landwehr, groupements formés d’éléments prélevés sur toutes les régions déjà stabilisées du front, corps d’armée de formation nouvelle réunissant toutes sortes de catégories de soldats : récupérés, blessés guéris, jeunes volontaires;
– du côté allié : armée belge; armée britannique comprenant des contingents de la métropole et des contingents des Indes; troupes françaises les plus diverses : corps actifs, divisions territoriales, tirailleurs sénégalais, cavaliers, fusiliers marins.
Le mélange est encore accentué par la nécessité où se trouve le commandement d’engager les renforts sans délai, au fur et à mesure de leurs débarquements, pour obvier à des périls momentanés et étayer la ligne de feu.
L’emploi d’unités si diverses, leur enchevêtrement, l’entrecroisement des attaques et des contre-attaques qui se succèdent et se répondent presque sans répit, pendant un mois, donnent l’impression d’une mêlée confuse. […]
Néanmoins, les nombreux combats qui se déroulent dans les Flandres de la mi-octobre à la mi-novembre 1914 sont livrés dans une zone bien délimitée et constituent une action de guerre nettement caractérisée. L’impression de confusion que peut donner la multiplicité des actions partielles ne doit pas masquer l’unité réelle de la bataille considérée dans son ensemble. Celle-ci , en effet, du côté des Alliés, est conduite par un chef unique, le général Foch, adjoint du général Joffre et chargé comme tel de coordonner les efforts des armées d’aile gauche.
(1)
Sur les 24 soldats issus du canton de Vouillé morts directement sur la ligne de front en octobre 1914, 19 ont trouvé la mort à partir du 24 octobre, dans cette opération militaire.
Pour des récits détaillés de ces journées terribles, je vous invite à lire les pages qui y sont consacrées sur les blogs du 125ème RI et du 68ème RI.
Le 25 octobre 1914, Louis Chrysostome, soldat au 125ème RI, est tué à Zonnebeke. Louis Aimé Robin, soldat au 68ème RI, et Théophile Théodore Auguste Thomas, caporal au 68ème RI, sont tués à Wallemollen.
Le 26 octobre 1914, Eugène Gustave Barc et Hilaire Joseph Blancheteau, soldats au 32ème RI, et Eugène Depoix, adjudant au 32ème RI, sont tués à Zonnebeke. André Salzert, soldat au 32ème RI, est tué à Broodseinde. Auguste Bourget, soldat au 125ème RI, et Louis Marie Chataigneau, sergent major au 125ème RI, sont tués à Ypres. Jérémie Chauvet, soldat au 125ème RI, est tué à Frezenberg.
Le 27 octobre 1914, Jean André Aubourg et Delphin Emilien Boisnier, soldats au 125ème RI, sont tués à St Julien. Maximin Marechal, soldat au 68ème RI, est tué à Wieltje.
Le 28 octobre 1914, Georges Louis Loyeau, soldat au 68ème RI est tué à Ypres. Charles Henri Prest, soldat au 114ème RI, est tué à Frezenberg.
Le 29 octobre 1914, Marcel Philibert Guérin, brigadier au 49ème RAC, est tué à Zonnebeke.
Le 31 octobre 1914, Louis Joseph Tourneau, soldat au 68ème RI, est tué à Wallemollen.
Cet article a été rédigé à partir d’un grand nombre de sources, dont certaines sont indiquées ci-dessous. Si vous avez relevé des erreurs, n’hésitez pas à m’en faire part.
- Wikipedia – Ordre de bataille de l’armée française en août 1914
- Cartographie 14-18 – Le front ouest de la première guerre mondiale
- Le parcours du combattant de la guerre 14-18 – Qui a été mobilisé
- Patrimoine de Mauron en Brocéliande
- Gallica – Les Armées Françaises dans la Grande Guerre
- Gallica – Les Armées Françaises dans la Grande Guerre – La guerre de mouvement
- Gallica – [Carte des opérations militaires en Champagne, sur la Marne et sur la Somme] Positions des alliés aux offensives générales, 22 Août, 29 Août, 6 septembre. Positions de repli de des alliés. Direction d’attaque des corps allemands –
- Chtimiste – Les grandes batailles et les données sur les régiments
- Indre1418 – La bataille d’Ypres
- Mémoire des Hommes – JMO de la 34ème brigade d’infanterie
- Mémoire des Hommes – JMO de la 35ème brigade d’infanterie
- (1) Gallica – Les armées françaises dans la Grande guerre. Tome premier. 1,4 / Ministère de la guerre, état-major de l’armée, service historique – vues 286-287/603
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