Julien Chaintré nait le 13 avril 1892 à Latillé. Ses parents, François Chaintré et Madeleine Ridoir, se sont mariés le 5 juin 1883 dans l’église de Latillé. Ils ont dans un premier temps habité Boisguillon, un hameau proche du village. C’est là que sont nés leur trois premiers enfants, Alexis – 1884 – François – 1885 – et Armantine – 1887. Lors de la naissance de Julien, ils se sont rapprochés du bourg, et habitent le Petit Bourg de Latillé, cette concentration de maisons autour de l’église, le long de l’Auzance, alors que le « Grand Bourg » est lui situé sur la colline, en direction de Benassay. Le Petit Bourg, c’est comme un hameau à l’intérieur du village, tout le monde s’y connait. C’est là que vont désormais vivre François et Madeleine, et leurs enfants. La famille s’agrandit encore, Marie Marcelle -1899-, Léopold – 1900 -, et enfin Augustine – 1901-.
Les enfants apprennent à lire probablement à l’école catholique juste en face de l’église, le second point d’attraction du Petit Bourg. L’école privée est toute proche, alors que l’école publique est à l’autre bout du village, sur la colline.
En 1904, l’ainé, Alexis, passe le conseil de révision, il tire le numéro 70 à Vouillé mais il n’apparait pas sur le registre matricule. Il n’a même pas droit à une fiche d’exempté. En 1906, il habite à Neuville de Poitou, où il est cordonnier, et sert de témoin le 24 novembre 1906 à Latillé lors du mariage de sa soeur Armantine avec Marcel Gamin, facteur à Loudun. De santé probablement fragile, il meurt le 16 janvier 1908 à l’Hotel Dieu à Poitiers.
François, le second, appartient à la classe 1905. Il est boulanger. Le 9 octobre 1906, il rejoint le 125ème régiment d’infanterie à Poitiers. Atteint de tuberculose, il passe en mai 1907 devant le conseil de réforme et il est libéré de ses obligations militaires. Retourné chez ses parents, il meurt le 31 mai 1907 à Latillé. Bizarrement, sa fiche matricule indique non sa date de décès, mais celle de son frère Alexis.
Julien est maintenant l’ainé de la famille. Le 10 octobre 1913, il quitte Latillé pour rejoindre le 169ème régiment d’infanterie, dont le dépôt se trouve à Montargis, dans le Loiret.
Le 169ème régiment d’infanterie est un régiment récemment créé, qui a à peine un an d’existence. Il appartient au 20ème corps d’armée, dont le quartier général est situé à Nancy, mais pas à une division particulière. Avec le 167ème RI – dépôt à Toul, le 168ème RI – dépôt à Sens – deux régiments territoriaux, un régiment d’artillerie et un régiment du génie, il constitue le noyau de la garnison de la place forte de Toul.
Du 15 au 25 juillet 1914, le régiment participe à des manoeuvres au Bois L’Eveque. A la fin des manoeuvres, 350 hommes, sur les 3000 hommes de troupe que compte le régiment, partent en congé de moisson. Les régiments d’active sont en grande partie constitués de soldats agriculteurs, et la moisson est un des temps forts de la vie dans les villages et de l’économie du pays. Alors comme tous les étés, les conscrits français cultivateurs rejoignent leur village pour aider à faire la moisson. Julien quitte t’il la région de Toul pour revenir à Latillé ? Peut être.
Mais la situation internationale s’aggrave rapidement, et dès le 30 juillet, le gouverneur de la place forte de Toul demande que les forts soient remis en activité. Les permissions des soldats sont annulées, et les hommes rejoignent les différents postes de couverture qui leur sont assignés. Le 1er août, le personnel des bureaux et les soldats malades rejoignent Montargis et le dépôt du régiment. A Toul, il n’y a pas de combats en août 1914.
Le 5 septembre, deux bataillons quittent Toul en direction de Manoncourt pour rejoindre la 73ème division de réserve. C’est là, près de Martincourt, le 6 septembre 1914, que le régiment subit ses premières pertes. Le 8 septembre, les deux autres bataillons du 169ème RI recoivent l’ordre de se mettre aux ordres de la 68ème DR. Dans quel bataillon Julien sert il pendant cette période où le régiment est scindé ? Je l’ignore, son acte de décès n’indiquant pas à quelle compagnie il appartient.
Fin septembre, le régiment se regroupe au niveau de ce qu’on appelle le saillant de St Mihiel, cette avancée des armées allemandes entre Pont-à-Mousson et Verdun. Voici à quoi ressemble le front en avril 1915.
Le 26 septembre 1914, la brigade mixte de Toul, à savoir les 167ème, 168ème et 169ème régiments d’infanterie, s’installe à l’ouest de Montauville, petit village à 3 kilomètres de Pont à Mousson. A quelques mètres d’eux, une partie du 5ème corps allemand s’est retranchée dans le Bois-le-Prêtre.
Jusqu’en août 1915, les deux armées vont se livrer à une bataille sanglante, utilisant toutes les armes à leur disposition, pour avancer ou reculer de quelques dizaines de mètres, laissant de part et d’autre un nombre terrifiant de victimes. Plus de 130 actions offensives ou défensives vont avoir lieu pendant ces quelques mois, et face à la bravoure du 169ème régiment d’infanterie, les Allemands vont lui donner le surnom de « régiment des loups ». Un peu plus de 14 000 soldats, tant Allemands que Français, vont trouver la mort sur ces quelques hectares de front.
Le 31 mars, dans le cadre des opérations de la 1ère armée sur le saillant de Saint Mihiel, cinq compagnies du 169ème RI enlèvent le village de Fey-en-Haye. C’est probablement au cours de cette opération que Julien Chaintré trouve la mort.
Son corps repose au cimetière national le Pétant, à Montauville.
Comme lui, c’est à Bois-le-Prêtre, entre mars et mai 1915, que 6 autres jeunes hommes du canton de Vouillé, tous servant dans le 169ème régiment d’infanterie, ont laissé la vie.
- Théophile Louis Bourdin – MPF le 18 avril 1915
- Albert Brunet – MPF le 1er juin 1915
- Marcel Fraudeau – MPF le 13 mai 1915
- Paul Mrie Joseph Fraudeau – MPF le 31 mai 1915
- Henri Marceau – MPF le 15 mai 1915
- Maurice Mignin – MPF le 1er avril 1915
- Etat civil : AD86 – Naissances Latillé 1883-1892 – acte 11 vue 96/102
- Etat civil : Acte de décès n° 7 du 8 février 1918 – Registre des naissances mariages décès Latillé 1913-1922 – en mairie ou sur l’intanet aux AD86
- Parcours militaire : AD86 – Poitiers 1912 – 1001-1490 – matricule 1074 – vue 101/721
- Parcours militaire : Fiche Mémoire des Hommes
- Parcours militaire : Fiche Memorial Genweb
- Parcours militaire : JMO du 169ème régiment d’infanterie – 01-01-1915 / 31-05-1915
- Décorations : Gallica – JORF du 6/12/1919 – A51 – N 331 – vue 14/48
- Centenaire 14-18 – Bois le Prêtre
- Lieux insolites – Le Bois le Pretre
- Wikipedia : Place forte de Toul
Fred Coussay says
Superbe, merci pour cet article passionnant et très bien écrit, comme d’hab 🙂